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Allégations écologiques : ce que dit le droit, ce qui change et ce qui va changer

La première version de cet article a été publiée en juin 2020 dans la rubrique avis d’expert de l’Usine Nouvelle en ligne. Il a été mis à jour pour contenir compte des évolutions législatives et réglementaires.

Absence de cadre juridique harmonisé sur les allégations écologiques

Avant de se lancer, les entreprises doivent identifier les règles applicables à leur projet d’allégation écologique. Ce travail n’est pas toujours facile, tant le cadre juridique est éclaté.

Ces allégations relèvent des textes sur les pratiques commerciales déloyales(1). Le guide de la Commission européenne constitue une bonne base de travail. Mis à jour en 2016, il comporte une section spécifique aux allégations environnementales avec des conseils pratiques illustrés par des exemples(2).

Pour certains produits, il existe des règles spécifiques. Pour les aliments, par exemple, les préfixes “éco” et “bio” sont réservés à l’agriculture biologique, ce qui interdit à une autre démarche environnementale de les utiliser. Pour les produits chimiques dangereux, les pesticides et les biocides, certaines allégations sont totalement interdites comme “faible risque”, “naturel”, “non polluant” ou “écologique”. La loi AGEC de 2020 a étendu ce principe en interdisant les allégations écologiques globalisantes comme “biodégradable” ou “respectueux de l’environnement” pour tous les produits(3). Il existe de nombreux avis et guides des institutions publiques sur l’usage de certains termes comme “durable”, “responsable”, “naturel”, “recyclable”, “compostable”, etc.(4). Ces avis sont anciens pour beaucoup. Leur validité juridique doit s’apprécier à la lumière des évolutions législatives récentes. En 2019, le Conseil national de la consommation a reçu mandat pour mettre à jour son “guide pratique des allégations environnementales” de 2014, mais la nouvelle version n’est toujours pas disponible. En octobre 2022, l’ADEME a annoncé la publication d’une nouvelle édition de son « guide de la communication responsable » disponible en pré-commande sur son site.

Mise à jour de la recommandation de l’ARPP sur le développement durable

Pendant le confinement, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a publié la nouvelle version de sa recommandation “développement durable” applicable à compter du 1er août 2020(5). Ce document est important en France car il rappelle que le développement durable comporte trois piliers : environnemental, économique et social. Ce n’est pas le cas dans d’autre pays. Les allégations “sustainable development” venant de l’étranger ne peuvent donc pas être traduites telles quelles pour la France, si la démarche mise en avant dans la communication ne comporte pas cette triple dimension.

Trois nouveautés méritent d’être relevées dans cette recommandation

La première est que l’ARPP fait désormais référence aux 17 principes de développement durable de l’ONUD(6) et non plus à la Stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable 2015-2020(7). Des objectifs comme l’autonomie des femmes et des filles, l’emploi des jeunes, ou les mobilités douces urbaines sont désormais intégrés à la notion de développement durable.

La deuxième est que la publicité doit tenir compte des principes de l’économie circulaire et ne pas inciter à la mise au rebut ou à la destruction sans tenir compte de la durabilité du produit, de sa réutilisation ou de sa seconde vie. Le champ d’application de la recommandation a été remanié pour rappeler que le respect du développement durable doit être pris en compte dans la publicité, même si elle n’y fait pas expressément référence. Plus que jamais, la publicité doit être “sustainable by design”.

La troisième nouveauté concerne la justification des allégations. Il faut être en mesure d’apporter des éléments “objectifs, fiables, véridiques et vérifiables” au soutien de son allégation, et non plus seulement des éléments “sérieux, objectifs et vérifiables”. Ces éléments doivent être “transmissibles”. Petits changements sémantiques, mais grande portée. Le message est clair : construisez solidement vos allégations écologiques !

Vers un cadre unique pour la justification des allégations écologiques en Europe

Il existe aujourd’hui de nombreuses méthodes pour évaluer l’impact environnemental des produits(8). Même si ces méthodes ont une base commune – l’analyse du cycle de vie – cette situation ne facilite pas la compréhension et la comparaison des allégations écologiques, et oblige parfois les entreprises à dupliquer leur travail d’analyse.

Consciente de cette situation, la Commission européenne travaille sur l’élaboration de méthodes communes pour l’évaluation de l’empreinte environnementale des produits et des organisations depuis les années 2010(9). Une phase pilote a été conduite de 2013 à 2016(10) avec des groupements d’industriels pour décliner ces méthodes à certains produits (ex : bière, café, produits laitiers, aliments pour animaux, détergents liquides domestiques, cuir, huile d’olive, pâtes, panneaux solaires, etc.).

Le 27 avril 2020, la Commission européenne a publié la synthèse des consultations effectuées auprès des industriels, des ONG et des administrations, pour savoir ce qu’il fallait faire de ces méthodes(11). En majorité, les parties prenantes souhaitent que ces méthodes servent de base pour la justification des allégations écologiques. En d’autres termes, si on décide de faire une allégation écologique, il faudra suivre ces méthodes ! Le détail de cette législation devrait arriver rapidement car la Commission européenne a annoncé dans son second plan d’action sur l’économie circulaire qu’elle présenterait en 2020 un projet législatif sur la justification des allégations écologiques.

Parmi les autres idées issues de la consultation, on notera l’utilisation des méthodes dans les textes existants (ex : Écolabel européen), la création d’un registre contenant les résultats de l’évaluation de l’empreinte écologique des produits ou un ranking des sociétés selon leur performance environnementale. Nous n’en sommes pas encore là, mais quand on voit le site www.alim-confiance.gouv.fr qui publie les résultats des contrôles d’hygiène des restaurants, ou l’utilisation faite par plusieurs applications des données sur les ingrédients et les caractéristiques nutritionnelles des aliments, ces dernières idées ne sont peut-être pas de la science-fiction.

Ce qu’il faut retenir

  • Faire un bon screening des textes applicables avant de se lancer dans un projet d’allégation écologique.
  • Le développement durable et l’économie circulaire doivent être pris en compte “by design” dans la communication.
  • L’Europe prépare des règles sur la justification des allégations écologiques. Toute entreprise qui communique sur sa démarche environnementale doit suivre ces travaux de près, surtout si le secteur a déjà travaillé sur des règles catégorielles pendant la phase pilote et que l’entreprise n’y a pas participé.

Article publié par L’Usine Nouvelle.

Source(s) :

(1) Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ; articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation

(2) Orientations de la Commission européenne concernant la mise en œuvre/l’application de la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales, 25 mai 2016, SWD(2016) 163 final

(3) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

(4) Ex : Avis du Conseil National de la Consommation (6 juillet 2010 et 15 décembre 2010) ; Guide pratique des allégations environnementales à l’usage des professionnels et des consommateurs du Ministère de l’économie et des finances (2014) ; Avis du Conseil national de l’emballage sur les allégations environnementales relatives aux emballages des produits (2018), etc.

(5) Recommandation “Développement durable” v3 ; Communiqué de presse : https://www.arpp.org/actualite/arpp-publie-la-recommandation-developpement-durable-reactualisee/

(6) Communication de la Commission européenne “Faciliter l’amélioration de l’information relative à la performance environnementale des produits et des organisations”, 9 avril 2013, COM(2013) 196 final ; Recommandation n° 2013/179/UE du 9 avril 2013 relative à l’utilisation de méthodes communes pour mesurer et indiquer la performance environnementale des produits et des organisations sur l’ensemble du cycle de vie

(7) https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

(8) https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-transition-ecologique-vers-developpement-durable-2015-2020

(9) ISO 14044 (Management environnemental — Analyse du cycle de vie — Exigences et lignes directrices) ; ISO 14067 (Gaz à effet de serre — Empreinte carbone des produits — Exigences et lignes directrices pour la quantification), International Reference Life Cycle Data System (ILCD), Ecological footprint, Product and Supply Chain Standards Greenhouse Gas Protocol (WRI/ WBCSD), Bonnes pratiques « Principes généraux pour l’affichage environnemental des produits de grande consommation » (BPX 30-323), Norme PAS 2050 sur l’empreinte carbone, etc.

(10) https://ec.europa.eu/environment/eussd/smgp/ef_pilots.htm

(11) Report on 2018-2019 stakeholder consultations regarding the potential future use of the Product and Organization Environmental Footprint methods, 27 avril 2020, disponible sur la page https://ec.europa.eu/environment/eussd/smgp/index.htm

en bref

Aujourd’hui, il n’existe pas de législation harmonisée sur les allégations écologiques. Selon l’avocat Gilles Boin, cette situation va changer. Deux documents publiés pendant le confinement méritent l’attention de toute entreprise souhaitant communiquer sur la démarche environnementale de son organisation ou de ses produits.

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