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Etiquetage des boissons alcoolisées : Où en sommes-nous et à quoi s’attendre ?

L’exemption historique de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle pour le vin, les spiritueux et toutes les boissons titrant à plus de 1,2% d’alcool en volume, va être supprimée dans un avenir très proche et il est important pour les acteurs de s’y préparer dès aujourd’hui ! 

Alors que cette évolution a déjà été adoptée pour le vin et le vin aromatisé, nous sommes dans l’attente d’une modification règlementaire pour le reste des boissons alcoolisées et des spiritueux.

Genèse de l’évolution

Cette évolution est en gestation depuis plusieurs années déjà et répond à la volonté des organisations de santé et des associations de consommateurs d’une information plus transparente sur la composition et la valeur énergétique et nutritionnelle des produits avec pour objectif une réduction de la consommation nocive d’alcool. 

Déjà en 2017(1), la Commission européenne avait annoncé dans un rapport sa volonté de mettre fin à cette exemption, notamment car elle n’avait identifié aucun motif objectif justifiant l’absence d’informations relatives aux ingrédients et aux informations nutritionnelles sur les boissons alcoolisées ou à la différence de traitement à l’égard de certaines boissons alcoolisées.

A cette occasion, la Commission européenne avait donné une année à l’ensemble des filières des boissons alcoolisées pour faire une proposition d’autorégulation. Cela a donné lieu à un projet d’autorégulation commun(2);ainsi que des projets spécifiques à chaque industrie (spiritueux, vins, bière, cidre)(3)

Alors que les secteurs des spiritueux et de la bière ont souhaité rester dans une démarche d’autorégulation, le secteur du vin a demandé que la démarche soit inscrite dans la règlementation. Ainsi, ces questions ont été ajoutées au projet de révision du règlement n° 1308/2013 sur l’organisation commune des marchés des produits agricoles (« règlement OCM »). 

Malgré les propositions d’autorégulation des autres secteurs, la Commission européenne a annoncé en février 2021(4);de manière claire qu’elle proposerait l’indication obligatoire de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle sur les étiquettes des boissons alcoolisées avant la fin 2022 afin de réduire la consommation nocive d’alcool.

Deux initiatives se superposent donc : d’une part une initiative spécifique au secteur du vin avec la modification du règlement OCM, et, d’autre part, une initiative générale à l’ensemble des boissons alcoolisées avec le projet de modification du règlement n° 1169/2011 sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (« règlement INCO »).

Une date d’échéance déjà fixée pour les vins et vins aromatisés

Une date d’échéance est déjà fixée pour les vins et vins aromatisés qui devront contenir une liste des ingrédients et une déclaration nutritionnelle à partir du 8 décembre 2023. 

En novembre 2021, le règlement OCM a été modifié par le règlement n° 2021/2117 notamment afin d’ajouter des dispositions pour rendre obligatoire la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle pour les vins et les vins aromatisés.

Des dispositions transitoires sont prévues permettant aux vins conformes aux dispositions de l’article 119 du règlement OCM applicables avant le 8 décembre 2023, qui ont été produits et étiquetés avant cette date de continuer à être mis sur le marché jusqu’à épuisement des stocks. Pour que ces dispositions transitoires soient applicables, il faut que les vins aient été produits et étiquetés avant le 8 décembre 2023. Les vins qui seraient seulement produits mais qui n’auraient pas été mis en bouteille et étiquetés ne bénéficient pas des mesures transitoires prévues.

Le règlement contient quelques dispositions sur la forme sous laquelle ces informations doivent être fournies. 

Concernant la déclaration nutritionnelle, il est prévu qu’il sera possible de se limiter à l’indication de la valeur énergétique sur l’emballage ou l’étiquette du produit et que la déclaration nutritionnelle complète pourra être fournie par voie électronique. 

La liste des ingrédients pourra également être fournie uniquement par voie électronique mais il sera nécessaire, dans ce cas, de faire apparaître les allergènes sur l’étiquette du produit. 

L’utilisation de la voie électronique pour fournir des informations sur la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle est soumise à quelques conditions. D’une part, les opérateurs ne pourront pas se servir de cet étiquetage électronique pour collecter ou tracer les données des utilisateurs. D’autre part, les opérateurs ne devront fournir aucune information à finalité commerciale sur l’étiquetage électronique. L’idée ici est d’éviter que les opérateurs se servent de l’étiquetage électronique pour faire la promotion du produit. Cet étiquetage électronique devra être réservé aux mentions d’informations à destination des consommateurs, c’est-à-dire à la liste des ingrédients et à la déclaration nutritionnelle. L’ajout d’informations commerciales serait en outre problématique au regard de la loi Evin(5);qui limite la communication qui peut être faite sur les boissons alcoolisées et notamment les supports qui peuvent être utilisés pour cette communication.

Le règlement ne donne pas plus d’informations sur le contenu des informations qui doivent être transmises au consommateur mais donne le pouvoir à la Commission européenne d’adopter des actes afin de compléter le règlement OCM en définissant des règles relatives à l’indication et à la désignation des ingrédients. Des règles spécifiques applicables au vin seront donc certainement prévues dans ce cadre. On voit déjà apparait sur le site internet de la Commission européenne des initiatives indiquant que des règlements délégués devraient être adoptés d’ici le premier trimestre 2023(6)

Pour le reste, nous pensons qu’il faudra se référer au règlement INCO, à part si les dispositions de ce règlement sont exclues pour les vins et vins aromatisés dans le cadre de la révision du règlement INCO. L’application des dispositions du règlement INCO en l’état fait naître certaines problématiques pour lesquelles il serait nécessaire de prévoir quelques adaptations. 

Une évolution à venir pour les spiritueux et les autres boissons alcoolisées

La Commission européenne a publié une Roadmap pour une proposition de modification du règlement INCO avec pour objectif de proposer un projet de modification de ce règlement pour le dernier semestre 2022.

Elle y précise que les démarches volontaires d’étiquetage développées par l’industrie permettent d’apporter une information aux consommateurs mais qu’elles donnent lieu à une application fragmentaire en l’absence d’exigences règlementaires uniformes, créent une inégalité de traitement entre les opérateurs et ont pour résultat que les attentes des consommateurs ne sont que partiellement prises en compte. 

La consultation publique sur cette Roadmap s’est achevée en mars 2022. Nous sommes maintenant dans l’attente d’une proposition de règlement de la Commission qui devrait intervenir à la fin de l’année 2022.

On distingue dans la Roadmap que trois options sont proposées par la Commission. 

L’option 0 consiste à ne rien modifier : les boissons alcoolisées titrant à plus de 1,2% d’alcool en volume continuent à être exemptées de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle. Les opérateurs pourront transmettre cette information sur une base volontaire.

L’option 1 serait de supprimer l’exemption de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle pour toutes les boissons alcoolisées et de permettre de transmettre certaines informations en dehors de l’étiquette du produit (par exemple, par voie électronique).

L’option 2 consisterait à supprimer l’exemption de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle pour toutes les boissons alcoolisées et à exiger que toutes les informations se trouvent sur l’étiquette du produit.

Nous serions étonnés que l’option 0 soit celle retenue par la Commission européenne dès lors qu’elle s’est engagée à proposer l’indication obligatoire de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle sur les étiquettes des boissons alcoolisées avant la fin 2022 dans le cadre du Plan européen pour vaincre le cancer.La solution qui nous semble envisageable est l’option 1 afin d’assurer une harmonisation entre les différentes boissons alcoolisées et de ne pas remettre en cause la règlementation spéciale prévue pour les vins et vins aromatisés.

Source(s) :

(1) Report from the Commission to the European Parliament and the Council regarding the mandatory labelling of the list of ingredients and the nutrition declaration of alcoholic beverages, 13 March 2017, COM(2017) 58 final.

(2) Joint self-regulatory proposal from the European alcoholic beverages sectors on the provision of nutrition and ingredients listing.

(3) Spirit sector annex, Detailed wine and aromatised wine products annex, European brewers’ commitment to listing ingredients and nutrition information, European cider and fruit wine association annex.

(4) Communication de la Commission européenne, Plan européen pour vaincre le cancer, février 2021.

(5) Articles L3323-2 et suivants du code de la santé publique.

(6) Initiative on indication of wine ingredients and adaptation of the rules for geographical indications in the wine sector (lien) ; Initiative on indication of ingredients for aromatized wine products (lien).

en bref

Premier article d’une série d’articles à paraître sur l’évolution de l’étiquetage des boissons alcoolisées. Il expose un état des lieux des évolutions adoptées et en cours d’adoption concernant l’étiquetage de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle des boissons alcoolisées. Alors que l’échéance a déjà été fixée au 8 décembre 2023 pour les vins et vins aromatisés, nous sommes dans l’attente d’une modification règlementaire d’ici la fin de l’année 2022 pour le reste des boissons alcoolisées et des spiritueux. Les prochains articles entreront dans le détail des positions des différents acteurs, des problématiques du secteur et de la mise en application en pratique des dispositions nouvelles et à venir.

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