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Étiquetage des boissons alcoolisées : Quelles sont les positions des différents acteurs ?

Alors que la fin de l’exemption de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle pour le vin et les vins aromatisés est déjà actée, une telle évolution est en cours de discussion pour les spiritueux et autres boissons titrant à plus de 1,2% d’alcool en volume. 

Pour les spiritueux et autres boissons alcoolisées, la fin de l’exemption doit passer par une modification du règlement n° 1169/2011 sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (« règlement INCO ») qui contient une disposition prévoyant que l’obligation d’étiqueter la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle n’est pas obligatoire pour les boissons titrant à plus de 1,2% d’alcool en volume(1).

La Commission européenne a publié une Roadmap qui affiche l’objectif de proposer un projet de modification du règlement INCO pour le dernier semestre 2022.

Les trois options proposées par la Commission dans la Roadmap sont les suivantes : 

L’option 0 consiste à ne rien modifier : les boissons alcoolisées titrant à plus de 1,2% d’alcool en volume continuent à être exemptées de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle. Les opérateurs pourront transmettre cette information sur une base volontaire.

L’option 1 serait de supprimer l’exemption de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle pour toutes les boissons alcoolisées et de permettre de transmettre certaines informations en dehors de l’étiquette du produit (par exemple, par voie électronique).

L’option 2 consisterait à supprimer l’exemption de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle pour toutes les boissons alcoolisées et à exiger que toutes les informations se trouvent sur l’étiquette du produit.

La consultation publique sur cette Roadmap, qui s’est achevée en mars 2022, donne d’intéressants indicateurs sur la position des différents acteurs. 

On peut dégager trois tendances : 

  • Les associations de consommateurs, les organisations gouvernementales et non gouvernementales de santé ou de lutte contre les addictions, ainsi que les consommateurs individuels sont favorables à l’option 2 ;
  • Les opérateurs économiques et associations professionnelles sont favorables à l’option 1 ;
  • Certains opérateurs économiques et associations professionnelles, en général spécialisées dans le vin, sont favorables à l’option 0.

Entrons un peu plus dans le détail des positions des contributeurs.

Position des associations de consommateurs et des organisations gouvernementales et non gouvernementales de santé ou de lutte contre les addictions

Les associations de consommateurs, les organisations gouvernementales et non gouvernementales de santé ou de lutte contre les addictions, ainsi que les consommateurs individuels, sont en faveur de l’option 2 proposée dans la Roadmap, c’est-à-dire pour un étiquetage sur le produit de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle. 

Cette position est justifiée principalement par les différents contributeurs par le fait que cette option est selon eux la seule permettant une information complète, accessible et transparente du consommateur sur le produit qu’il consomme et ainsi d’atteindre l’objectif de protection de la santé du consommateur et la diminution de la consommation nocive d’alcool. 

De leur point de vue, cette option n’est pas une avancée concernant l’étiquetage mais le comblement d’un retard en matière d’étiquetage pour les boissons alcoolisées. Ils considèrent que l’exemption bénéficiant aux boissons alcoolisées jusque-là n’était pas justifiée et aurait dû être supprimée dès la mise en place du règlement INCO.

Certains de ces contributeurs avancent que l’option 1, c’est-à-dire la transmission d’informations sur l’étiquette du produit et par voie électronique ne permet pas un accès égalitaire à l’information puisque cela rend l’accès à l’information payant étant donné que le consommateur doit disposer d’un téléphone mobile et de datas pour pouvoir accéder à l’information.

Enfin, certaines organisations gouvernementales de santé avancent que l’option 2 faciliterait les contrôles officiels par rapport à l’option 1. Ils considèrent également que l’option 1 pourrait avoir des effets pervers, notamment en permettant aux opérateurs de promouvoir leur produit en renvoyant les consommateurs vers leur site en ligne.

Position des opérateurs et associations professionnelles

Les industriels et associations professionnelles sont en faveur de l’étiquetage de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle, en revanche, ils considèrent qu’il est nécessaire de prendre en compte les spécificités de leur secteur. 

A cet égard, ils sont en faveur de l’option 1 qui permettrait de faire apparaître certaines mentions sur l’étiquette du produit et de renvoyer pour le reste des informations vers un étiquetage électronique (notamment par le biais d’un QR code). 

Ils considèrent que cette option serait la meilleure afin d’assurer un équilibre entre l’information du consommateur et la libre circulation des boissons alcoolisées qui sont largement exportées sur le marché international. La nécessité de traduire dans chaque langue locale les mentions d’étiquetage seraient simplifiée par l’utilisation d’un étiquetage électronique.

Les contributeurs dans le secteur des spiritueux mettent notamment en avant le fait que cette solution a été adoptée pour le vin et les vins aromatisés dans le cadre de la modification du règlement OCM. Ils considèrent qu’une solution similaire devrait être adoptée pour toutes les boissons alcoolisées afin d’assurer une harmonisation dans le secteur et une concurrence équitable.

En outre, cette option serait en ligne avec les démarches d’autorégulation déjà prises dans le secteur des spiritueux et permettrait une transition entre la démarche d’autorégulation et la mise en place de règles obligatoires.

Enfin, les contributeurs font également part des précisions et des mesures qui seraient nécessaires pour assurer une mise en application correcte par l’industrie de ces nouvelles obligations. Ils indiquent notamment qu’il serait nécessaire de préciser les informations qui devraient être transmises sur l’étiquette du produit et par voie électronique, les modes de transmission par voie électronique ainsi que de prévoir une période transitoire pour les stocks de produits existant. 

Les associations professionnelles ainsi que les opérateurs dans le secteur du vin alertent la Commission européenne sur le fait qu’une règlementation spécifique pour le vin et les vins aromatisés a d’ores et déjà été prise dans le cadre de la modification du règlement OCM. Ils considèrent que la révision du règlement INCO ne doit pas venir remettre en cause les mesures qui ont déjà été prises dans ce cadre. Ils avancent que le secteur du vin est spécifique, notamment car il est composé majoritairement de petites et moyennes entreprises, que les produits en question sont divers et varient d’années en années, et que c’est pour cette raison qu’une solution hybride combinant la transmission d’information sur les étiquettes des produits et par voie électronique a été mis en place. Certains indiquent que les vins et vins aromatisés devraient être exclus de la révision du règlement INCO.

Position de quelques opérateurs économiques et associations professionnelles dans le secteur du vin

Les contributeurs en faveur de l’option 0 sont généralement des opérateurs et associations professionnelles dans le secteur du vin. Ces derniers ne sont pas réellement en faveur de l’absence d’information pour le consommateur mais prônent l’adoption de l’option 0 spécifiquement pour le secteur du vin qui est déjà règlementé par le règlement OCM. Il n’est donc pas nécessaire selon eux d’intégrer les vins et vins aromatisés dans le projet de révision du règlement INCO dès lors qu’une loi spéciale prévoit déjà des dispositions en ce qui concerne leur secteur et qu’en outre un règlement délégué doit venir préciser les mentions à faire apparaître dans la liste des ingrédients.

La spécificité du secteur du vin est justifiée par le fait que le secteur est essentiellement composé de petites et moyennes entreprises et que les produits en question ne sont pas des produits « standardisés » mais qui ont vocation à avoir une composition différente en fonction des années, des matières premières disponibles, etc. Cette problématique a notamment été prise en compte dans le cadre du règlement OCM qui prévoit la possibilité de mettre en œuvre un étiquetage dématérialisé. 

Nos prédictions

Nous serions étonnés que l’option 0 soit celle retenue par la Commission européenne dès lors qu’elle s’est engagée à proposer l’indication obligatoire de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle sur les étiquettes des boissons alcoolisées avant la fin 2022 dans le cadre du Plan européen pour vaincre le cancer.

La solution qui nous semble envisageable est l’option 1 afin d’assurer une harmonisation entre les différentes boissons alcoolisées et de ne pas remettre en cause la règlementation spéciale prévue pour les vins et vins aromatisés.

Source(s) :

(1) Article 16.4 du règlement n° 1169/2011

en bref

Une possible fin de l’exemption de liste des ingrédients et de déclaration nutritionnelle pour l’ensemble des boissons titrant à plus de 1,2% d’alcool en volume est en cours de discussion dans le cadre de la révision du règlement n° 1169/2011 sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. La consultation publique sur la Roadmap de la Commission européenne, qui s’est achevée en mars 2022, donne d’intéressants indicateurs sur la position des différents acteurs concernant cette révision.

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