La Commission européenne a publié le projet de règlement délégué sur l’indication des ingrédients du vin(1) qui prévoit des règles particulières pour l’établissement de la liste des ingrédients du vin. Ce projet, très attendu par les opérateurs du secteur du vin, est soumis à une période de contribution publique jusqu’au 23 février 2023. Il est vivement recommandé de s’y intéresser et d’identifier si certaines contraintes opérationnelles ou difficultés d’application liées à l’étiquetage des ingrédients n’ont pas été identifiées car il s’agit de la dernière ligne droite avant l’adoption du texte définitif.
- Rappel de l’évolution règlementaire sur l’étiquetage du vin
- Dispositions spécifiques à l’étiquetage des ingrédients du vin prévue par le projet de règlement délégué
- Date d’application et dispositions transitoires
- Source
Rappel de l’évolution règlementaire sur l’étiquetage du vin
Le règlement n° 2021/2117 est venu modifier le règlement n° 1308/2013 sur l’organisation commune des marchés des produits agricoles (« règlement OCM ») notamment pour rendre obligatoire la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle pour les vins et les vins aromatisés, à partir du 8 décembre 2023.
Ce règlement contient quelques dispositions sur la forme sous laquelle ces informations doivent être fournies (possibilité de fournir la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle complète par voie électronique en indiquant sur l’étiquetage les allergènes et la valeur énergétique) mais ne donne pas plus d’informations sur le contenu des informations qui doivent être transmises au consommateur.
Ce règlement donne pouvoir à la Commission européenne pour adopter un règlement délégué afin de définir des règles relatives à l’indication et à la désignation des ingrédients du vin. En effet, en l’absence de dispositions particulières, les dispositions du règlement n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (« règlement INCO ») devraient s’appliquer tel quel, ce qui pourrait faire naître certaines problématiques compte tenu des spécificités du secteur du vin.
La Commission européenne vient de publier sur son site internet le projet de règlement délégué concernant le vin qui viendra modifier le règlement n° 2019/33. Nous sommes, en revanche, toujours dans l’attente du projet de règlement délégué concernant les vins aromatisés.
Dispositions spécifiques à l’étiquetage des ingrédients du vin prévue par le projet de règlement délégué
Le projet prévoit des dispositions spécifiques applicables à la liste des ingrédients du vin qui ménagent à la fois les problématiques soulevées par les opérateurs liées aux caractéristiques et processus d’élaboration spécifiques du vin, et la nécessité de fournir aux consommateurs une information complète.
Il est entendu que ces dispositions seront applicables que la liste des ingrédients soit fournie sur l’étiquette ou par voie électronique.
Voici les principales dispositions :
- Une simplification de la désignation de certains ingrédients utilisés pour la production du vin est prévue, notamment pour faciliter la compréhension des consommateurs :
- le terme « raisins » peut être utilisé pour indiquer que des raisins et/ou du moût de raisin ont été utilisés comme matières premières ;
- le terme « moût de raisin concentré » peut être utilisé pour indiquer que du moût de raisin concentré et/ou du moût de raisin concentré rectifié a été utilisé.
- Le projet indique que les composés œnologiques (les additifs, auxiliaires technologiques pouvant causer une allergie ou intolérance) doivent être désignés dans la liste des ingrédients par les dénominations spécifiques prévues à l’annexe I, partie A, tableau 2, du règlement délégué n° 2019/934.
En revanche, il semblerait que les sulfites, les œufs et produits à base d’œufs et le lait et les produits à base de lait puissent être désignés par les mentions prévues à l’annexe I, partie A, du règlement n° 2019/33 (par exemple, le bisulfite de potassium serait désigné par la dénomination « sulfite » et non par sa dénomination spécifique « bisulfite de potassium »).
La rédaction du projet de règlement délégué n’est cependant pas très claire sur ce point car cela nécessite une lecture de l’article à la lumière des considérants (notamment le considérant n°14). L’article mériterait d’être rédigé de façon plus claire afin d’éviter toute divergence d’interprétation à l’avenir.
En outre, cette possibilité semble être limitée au cas dans lequel la liste des ingrédients se trouve sur le produit (et non à l’étiquetage par voie électronique) à la lecture du considérant n°14 qui indique que « Article 41 of delegated regulation 2019/33 provides for the terms that shall be used for labelling certain substances or products causing allergies or intolerances, as referred to in article 21 of regulation 1169/2011, concerning sulphites/sulfites, eggs and egg-based products and milk and milk-based products. Those terms should continue to be used, also withtin the list of ingredients when it is presented on the package or on a label, for consistency reasons and taking into account that consumers are familiar therewith » (traduction libre : L’article 41 du règlement délégué 2019/33 prévoit les termes à utiliser pour l’étiquetage de certaines substances ou produits provoquant des allergies ou des intolérances, tels que visés à l’article 21 du règlement 1169/2011, concernant les sulfites/sulfites, les œufs et les produits à base d’œufs et le lait et les produits à base de lait. Ces termes devraient continuer à être utilisés, y compris dans la liste des ingrédients lorsqu’elle est présentée sur l’emballage ou sur une étiquette, pour des raisons de cohérence et compte tenu du fait que les consommateurs les connaissent bien.). Afin d’englober également l’étiquetage électronique, il serait nécessaire de clarifier cette disposition qui pourrait donner lieu à interprétation.
Enfin, le règlement ne donne pas de précisions sur l’exigence de désigner les additifs par leur nom de catégorie (antioxydant, conservateur, etc.), en plus de leur nom spécifique. Au titre du règlement INCO, il serait nécessaire de préciser le nom de la catégorie de l’additif (par exemple, « antioxydant : bisulfite de potassium »). Le projet de règlement délégué est cependant silencieux sur ce point.
- Le caractère évolutif et non standardisé de l’élaboration des vins a été pris en compte. Les opérateurs pourront indiquer dans la liste des ingrédients les additifs relevant des catégories « régulateurs d’acidité » et « agents stabilisateurs » par l’utilisation de l’expression « contient » suivie d’une liste exhaustive de toutes les substances alternatives possibles, affichée par « et/ou », lorsqu’au moins une est présente dans le produit fini. Ces additifs peuvent en effet être utilisés, au cas par cas, à différentes phases de l’élaboration et de l’embouteillage, en fonction des lots et des millésimes.
- L’indication des additifs relevant de la catégorie « gaz d’emballage » dans la liste des ingrédients peut être remplacée par la mention spécifique « mis en bouteille sous atmosphère protectrice » ou, si leur utilisation intervient au cas par cas en fonction du marché de destination ou du moyen de transport, « la mise en bouteille peut se faire sous atmosphère protectrice ». En effet, ces gaz d’emballage sont utilisés pour déplacer l’oxygène pendant la mise en bouteille du vin, mais ne sont pas un ingrédient du vin. Or, l’indication dans la liste des ingrédients pourrait être confusante pour les consommateurs.
- Concernant les vins mousseux, l’adjonction de la liqueur de tirage et de la liqueur d’expédition peut être indiquée par les mentions spécifiques « liqueur de tirage » et « liqueur d’expédition », seules ou accompagnées, entre parenthèses, de la liste de leurs constituants.
Il s’agit d’une adaptation aux règles applicables au titre du règlement INCO pour les ingrédients composés (ingrédient lui-même élaboré à partir de plusieurs sous-ingrédients). La règle de base pour les ingrédients composés est que leurs sous-ingrédients doivent apparaître de façon « éclatée » dans la liste des ingrédients en fonction de leur importance pondérale. Par exception, il est possible de désigner l’ingrédient composé sous sa propre dénomination dans la liste des ingrédients dans la mesure où celle-ci est prévue par la règlementation ou les usages. La dénomination de l’ingrédient composé devra alors être suivie de la liste de ses sous-ingrédients entre parenthèses, sauf dérogations prévues.
La Commission semble privilégier la désignation de la liqueur de tirage et de la liqueur d’expédition sous leur propre dénomination car elle considère que l’indication des ingrédients de façon « éclatée » pourrait être trompeuse pour les consommateurs. Elle laisse en outre le choix aux opérateurs d’indiquer ou non les sous-ingrédients entre parenthèses.
- Des dispositions concernant la présentation des allergènes sur l’étiquetage sont prévues. Lorsque la liste des ingrédients complète est fournie par voie électronique, ils pourront ne pas être dans le même champ visuel que les autres mentions requises au titre de l’article 119 du règlement OCM (dénomination, titre alcoométrique volumique, provenance, etc.). En revanche, lorsque la liste des ingrédients sera fournie sur l’étiquette, les allergènes devront être mentionnés et mis en évidence (ex : gras, surlignés) dans liste des ingrédients, conformément au règlement INCO.
Nous encourageons les opérateurs à s’intéresser sérieusement à ce texte afin de s’assurer que toutes les problématiques rencontrées dans l’établissement de la liste des ingrédients ont été prises en compte dans le projet de règlement délégué, et le cas échéant, à soumettre une contribution pour mettre en lumière les problématiques restantes.
Date d’application et dispositions transitoires
Le projet indique que ses dispositions concernant la liste des ingrédients seront applicables à compter du 8 décembre 2023 en accord avec la date d’application de l’obligation d’étiquetage de la liste des ingrédients au titre du règlement OCM.
En revanche, aucune disposition spécifique sur la période transitoire n’a été prévue dans le projet. Pour rappel, des mesures transitoires ont été prévues dans le règlement n° 2021/2117 pour les vins produits et étiquetés avant le 8 décembre. Ces derniers peuvent continuer à être mis sur le marché jusqu’à épuisement des stocks sans liste des ingrédients ou déclaration nutritionnelle. En revanche, les vins qui seraient seulement produits mais qui n’auraient pas été mis en bouteille et étiquetés ne bénéficient pas des mesures transitoires prévues.
Le secteur du vin espérait qu’une disposition particulière serait intégrée au projet de règlement délégué pour que ces dispositions transitoires soient applicables aux vins produits avant le 8 décembre 2023, même s’ils n’ont pas encore été étiquetés. En effet, une telle adaptation se comprend dans le secteur vitivinicole dès lors que les vins ne sont généralement pas mis en bouteille et étiquetés juste après la production mais peuvent être gardés un certain temps.